■ DIALOGUE DE SINGES ■
CARMEN- Cette ville ne me paraissait pas aussi grande quand je suis arrivé.
Plus je grandis, et plus tout me semble étranger. Ce n'est pas qu'une
impression, je n'ai nulle part où aller. Les murs de ma maison sont aussi froids
que ces mornes ruelles en hiver. Ce sont là les veines de la ville. La ville crache
continuellement une fumée noirâtre, on n'y échappe pas, quoique l'on fasse, où
que l'on aille, on la voit toujours, on la respire malgré nous. Et à l'image du tas
d'immondices, on se met à cracher nous aussi. Tous ces fantômes. Peut on encore
s'entendre? Je ne le crois plus. Dis moi, est ce que je dois partir?
Est ce que c'est la seule solution? Je n'ai pas peur, je ne serais pas peiné, personne
d'autre ne le sera non plus, mais est- ce bien là la seule solution?
ELECTRA- Comme tu te mutiles l'esprit de choses abstraites! Je ne te comprendrais jamais.
Tu as pourtant le toit de tes parents. Des jambes pour fouler ce sol que tu ne
supportes plus. Et toutes sorte d'âmes errantes pour te peser du regard, toi qui
est différent, et tout aussi étranger que les autres fantômes pourtant. Fuis les donc,
ces rues que tu détestes, et tu ne trouveras plus personne pas même pour te certifier
que dans tes veines à toi, il s'écoule un vrai sang chaud. Et si toutes les villes étaient
les mêmes? Le même air, les mêmes visages qui te glacent le membres et les entrailles.
Après tout, elles sont de l'Homme, et l'Homme n'est rien d'autre qu'un type comme
toi et moi...
CARMEN- Tu es une fille.
ELECTRA- C'est la même chose au fond, non?
CARMEN- Au fond!
ELECTRA- Ne pars pas, ton cynisme me manquera, je n'aurai plus la conscience tranquille. Et puis,
moi je suis un peu chez toi, tu as déjà fouillé mes pupilles et moi les tiennes, jusquà y mettre
le desordre. On a rien trouvé, mais quand j'y repense, je sais pas pour toi, mais moi ça me
plaisais bien. On a peut être pas besoin de chercher plus loin.